Cet article couvre la période du 3 au 13 novembre 2015.
Le Cambodge c’était l’occasion.
Entre la Thaïlande et Singapour, la tentation était grande de faire un crochet au pays des Khmers où nous attendent notamment les célèbres temples d’Angkor et l'histoire douloureuse du régime des Khmers Rouges.
Trop rapide pour sortir des sentiers battus et toucher du doigt l’envers du décor, notre passage se raconte en une série d’expériences vécues autour de Phnom Penh et de Siem Reap :
- Entrer par le poste frontière terrestre réputé le plus corrompu du pays
On ne peut pas dire qu’on ne savait pas, même le Lonely nous avait prévenus que c’était un poste particulier. Tout d’abord c’est à Hat Lek que le visa coûte le plus cher. Pour quelle raison ? Nous l’ignorons. Ensuite, même si tu sais qu’il ne faut accepter aucune proposition des « aidants », il est en pratique difficile de différencier les officiels des magouilleurs, la confusion étant probablement volontairement entretenue par les deux catégories de zigotos présents dans la zone.
Malgré une petite fâcherie avec un soit disant employé de la compagnie de bus pour récupérer notre passeport et quelques bahts (monnaie thaïlandaise) laissés à un genre de médecin pour vérifier notre température corporelle, nous nous en sommes bien sortis. Nous avons même été invités à passer derrière le guichet des douaniers pour remplir les formulaires à leur côtés sur la table qui leur sert de bureau.. D’accord c’est très bizarre mais finalement nous avons eu notre visa sans séquestration ! (C’est facile d’en sourire après coup mais pendant on faisait moins les fiers)
- Plonger dans l’horreur du Kampuchea démocratique des Khmers Rouges
Dans une même journée, nous avons visité la prison S21 de Tuol Sleng et le « Killing Field » de Choeung Ek. Cela nous a permis de découvrir ou d’approfondir nos connaissances sur l’horreur d’une des dictatures les plus violentes de l’histoire, mis en place par Pol Pot et sa clique. Ce régime reposait sur une idéologie communiste de l’extrême visant à instaurer une grande coopérative agricole en guise de société. On ne sort pas indemne de ce voyage dans le temps.
En quelques jours après leur entrée dans la capitale le 17 avril 1975 (parfois sous les hourras), les Khmers Rouges ont notamment fermé les frontières, aboli la monnaie, fermé les écoles et évacué les villes. Ça annonce la couleur sur le type de révolution voulue par cette bande de cinglés. Ensuite, tout le monde au boulot dans les rizières, extermination des érudits (en gros les ex-citadins ou par exemple les personnes portant des lunettes) et de tous les ennemis de « l’Angkar » (l’organisation) en purgeant les mécontents jusque dans les propres rangs des Khmers Rouges.
Le résultat sur le plan humain de cette folie ayant duré moins de 4 ans : presqu’un quart de la population cambodgienne décimée par des cambodgiens, des millions d'hommes et de femmes exécutés, torturés ou morts de faim et de fatigue. Les survivants peuvent être classés en trois catégories : les victimes, les bourreux dont certains sont devenus des victimes, et les stratèges des crimes perpétrés. Ces derniers n’ayant été jugés que 30 ans plus tard, et la communauté internationale s’étant positionnée de manière ambiguë pendant longtemps on peut comprendre aisément que la société cambodgienne porte encore aujourd’hui les cicatrices d’une telle tragédie.
Bref, une journée bouleversante sur un exemple de dérive que le genre humain devrait éviter à tout prix.
(très bonne lecture sur le sujet « First they killed my father » ou « D’abord ils ont tué mon père » de Loung Ung)
 |
Tuol sleng, musée du génocide |
 |
Choeung Ek, champ d'exécution |
- Faire réparer une moto de location dans la banlieue de Phnom Penh
Des motos et des scooters on commence à en avoir loués pas mal en Asie. La circulation chaotique des grandes villes ne nous fait presque plus peur (la conduite à Mandalay nous a permis de repousser nos limites). Pourtant, quand on se retrouve à plat à 15 km du centre-ville de Phnom Penh, on se sent à nouveau comme des débutants de la bourlingue. Après avoir demandé à des passants, on comprend qu’une "boutique capable de nous aider" se trouve plus loin dans la rue. Je paraphrase volontairement car le concept de garagiste à l’occidentale est inadapté au cas présent.
Bien qu’éloignés des quartiers touristiques, on se demande à quelle sauce on va être mangés avec nos têtes de pigeons en détresse. Nos craintes s’évanouissent à l’annonce du prix de 5 dollars pour le démontage-remontage de la roue arrière, le changement de chambre à air, la neutralisation de deux pointes à l’intérieur du pneu (peut-être soigneusement placées par le loueur héhé) et le spectacle réciproque pendant la réparation conduites par cinq jeunes ouvriers cambodgiens nous jetant des regards curieux et amusés semblant dire « Mais qu’est-ce que vous faîtes là ? »
Si nous avions appelé le loueur comme c’était stipulé, nous aurions probablement perdu au moins 2h et une cinquantaine de dollars. Vive la débrouille !
- Diner avec une ancienne collègue cambodgienne
Rien ne semble relier le chef-lieu de l’Eure, i.e. Évreux, à la capitale Cambodgienne. C’est pourtant à l’hôpital d’Evreux que Lucie a appris à maîtriser l’échographie aux côtés de Dany, une radiologue cambodgienne venue compléter sa formation en France.
Le soir de notre arrivée à Phnom Penh, nous avons partagé avec Dany un repas très sympathique entre souvenirs des moments passés à Évreux avec Lucie et questions de notre part sur sa vie, sa ville et son pays.
- Prendre un petit déjeuner basique au prix d'une chambre
En Asie, il est généralement possible de manger soit comme les locaux pour une bouchée de pain (enfin, de riz plutôt) soit dans des restaurants plus touristiques où l'addition peut grimper relativement vite. Dans les précédents pays, nous choisissions nos repas en fonction des envies et du budget avec une certaine agilité.
Au Cambodge, j'avoue que nous n'avons pas réussi à percer le mystère entourant l'alimentation. Dans un pays où, parait-il, un agent de circulation gagne 1 dollar par jour (hors pots de vin), le prix de la nourriture semble complètement incohérent. Même la street food n'est pas si bon marché et peu attirante.
La question est devenue prégnante car notre budget, basé sur des statistiques de www.tourdumondiste.fr, s'est vite avéré impossible à tenir malgré la limitation des frais de transport et le choix de chambres bas de gamme. Nous avons donc commencé à développer une compétence d'analyse comparative des ratios poids/prix des "fried rice", currys ou autres omelettes pour parvenir notamment à combler mon estomac insatiable. Nous avons malgré tout découvert quelques plats locaux savoureux comme le Amok et le Cha Trob mais nous sommes probablement passés à côté de certaines spécialités. Par exemple, nous n'avons pas tenté les tarentules frites sur le marché de nuit..
Les bières étaient généralement moins chères que les bouteilles d'eau. Nous aurions pu boire exclusivement de la "Angkor beer" mais, en raison d'un avis médical défavorable de Lucie, nous avons finalement choisi de ressortir nos pastilles de purification pour boire l'eau du robinet.
Au final, même en usant de ces techniques de radinerie, nous avons dépensé deux fois plus en nourriture qu'en logement, ce qui n'était pas le cas dans les pays comparables.
 |
Sur un marché de Siem Reap |
 |
Sur un marché de Siem Reap |
 |
Amok aux légumes |
 |
Les glaçons sont réputés surs au Cambodge |
 |
Tarentules ou serpents ? |
- Relever le défi des circuits d’Angkor en vélo de ville sans vitesse sous une chaleur écrasante
Dès notre premier soir à Siem Reap, nous avons rencontré M et H, un couple de voyageurs français très sympathiques qui rentraient d'une journée à vélo dans le parc d'Angkor.
A l'exception de la journée au complexe de Roluos, pour laquelle nous avons partagé un tuktuk avec eux (en plus des bières et des expériences de voyage le soir à la guesthouse), nous nous sommes déplacés exclusivement à vélo. En raison de considérations économiques déjà évoquées, nous avons choisi des bicyclettes de ville basiques plutôt que des VTT à vitesses qui coûtaient quelques dollars de plus. Donc oui, visiter les temples d'Angkor en vélo c'est possible mais au bout de 30 km pour la petite journée et plus de 40 km pour la grosse sur ce genre de vélo, on ressent un petit effet au niveau des mollets et du popotin.
Naturellement il faut avoir les épaules et les jambes couvertes (au moins jusqu'aux genoux) pour entrer dans les temples et comme il fait constamment une chaleur moite infernale, le moindre bout de tissu supplémentaire sur un carré de peau est un supplice. Sérieusement, nous n'avons eu nulle part plus chaud qu'à Siem Reap même à Singapour ou au Philippines (où je me trouve au moment de la rédaction de cet article). Comme de plus, nous nous logions pour moins de 10 dollars la nuit dans des chambres sans climatisation et que la température ne baissait pas vraiment la nuit, il ne nous restait que la douche pour espérer ressentir pendant quelques minutes la fraîcheur salvatrice sur la peau.
Peut-être est-ce parce que notre allure faisait vraiment peur à voir qu'un tuktuk est allé jusqu'à nous proposer une course alors même que nous pédalions sur nos montures ? A la réflexion je crois simplement qu'ils n'ont plus aucune limite dans la sollicitation des touristes.

 |
Quand les touristes visitent, les chauffeurs dorment |
- Tomber sur une peinture de Dominique Strauss-Kahn dans un monastère de Roluos !
"Excusez-moi pour la tenue je sors de la douche.."
- Se convaincre que les arbres poussent ausi bien dans la pierre que dans la terre
C'est une des caractéristiques les plus emblématiques des temples d'Angkor, la nature y a repris ses droits pendant des siècles d'abandon. Toutefois, contrairement aux légendes épiques d'explorateurs occidentaux découvrant une cité perdue, les populations locales ont toujours eu connaissance de l'existence et de la position au moins approximative des temples d'Angkor.
Aujourd'hui les temples dans lesquels la pierre et la jungle se mêlent malgré les campagnes de défrichage ne sont pas si nombreux mais Ta Prohm, Preah Khan et Ta Som présentent à eux trois de magnifiques spécimens de fromagers (celba pentandra) et de ficus (ficus religiosa). Les premiers ont des racines massives et peu nombreuses tandis que pour les seconds c'est l'inverse, elles sont fines et multiples.
"Les arbres naissent et s'accrochent dans la fissure où un oiseau a déposé la semence, puis ils tendent leurs racines vers le sol. Pour cela les racines tracent leur chemin entre les pierres de sorte que lorsqu'elles épaississent, elles écartent progressivement les blocs. En définitive, l'arbre devient le support du bâtiment mais lorsque' il meurt ou qu'il est renversé par un ouragan, les blocs libérés s'effondrent." (Angkor, cité khmère)
 |
Preah Khan |
 |
Preah Khan |
 |
Ta Som |
 |
Ta Prohm |
 |
Ta Som |
 |
Angelina Jolie y cueille une fleur dans Tomb Raider |
 |
Ta Prohm |
- Continuer à s’émerveiller dans des temples après 3 mois en Asie
Le premier temple bouddhiste de notre voyage, nous l'avons visité au début du mois d'août en Bouriatie (Russie). Depuis, nous en avons visités des centaines appartenant à différents courants (gelugpa, theravada, mahayana, zen, etc) et prenant différentes formes et dimensions architecturales.
En projetant de visiter Angkor, nous avons pris la décision de plonger dans l'énorme usine touristique (la seule de cette envergure dans le pays) pour aller voir... des temples. Mais quels temples !
Il y en a pour tous les goûts, les amateurs de ruines verdies, les fans de frises sculptées à perte de vue, les passionnés de points de vue, les adeptes des levers et couchers de soleil sur des plans d'eau, les mordus de statues animales, etc. C'est un régal pour les yeux et pour les photographes dont les appareils frôlent la surchauffe.
Sans hésitation, ce que l'on trouve en quelques jours à Angkor mérite bien les efforts à fournir pour supporter le trafic incessant dans le parc, les sollicitations systématiques des vendeurs (souvent des enfants..) et des tuktuks, les groupes de touristes bruyants et parfois irrespectueux, et les 40 dollars d'entrée pour 3 jours. (Pour les coureurs que ça intéresse, le semi-Marathon qui a lieu chaque année à Angkor en décembre peut être un moyen malin de bénéficier d'une expérience unique du site)
Voici, pour finir, quelques clichés que j'espère convaincants sur les atouts esthétiques des temples d'Angkor.
 |
Bayon |
 |
Bayon |
 |
Angkor Wat |
 |
Angkor Wat |
 |
Angkor Wat |
 |
Pre Rup |
 |
Pre Rup |
 |
Prasat Kravan |
 |
Preah Khan |
 |
Angkor Wat |
 |
Bayon |
 |
Bakong |
 |
East Mebon |
 |
Angkor Wat |
 |
Monastère au sud de Siem Reap |
 |
Neak Pean |
 |
Angkor Wat |